« Post-polarisation »

Événement

« Post-polarisation »

Les deux films projetés au Ciné-Bal de l’Aubette 1928 , « Night Soil: Economy of Love » et « Progress vs. Regress », résument le fil rouge des œuvres de Melanie Bonajo (1978), réalisatrice, productrice, sculpteure, photographe, performatrice : un reflet tendre et critique des développements technologiques qui semblent rendre notre environnement direct encore plus stérile.

« Night Soil : Economy of Love » (30’), décrit un mouvement fondé à Brooklyn par des femmes travaillant dans le domaine du sexe, qui considèrent leur travail comme une façon de réclamer du pouvoir dans une zone de plaisir habituellement dominée par des hommes ; leur mission étant de réarranger des idées préconçues sur le plan sexuel et sur l’intimité. Elles se présentent comme les déesses d’un temple, qui en exerçant leur mission sexuelle, élèvent le client mâle également vers un état divin.

« Progress vs. Regress » (55’) est une réflexion teintée d’humour sur les changements provoqués par les inventions modernes, tels qu’ils sont perçus par des personnes approchant l’âge de cent ans. Cette génération a (sur)vécu à un siècle aux modifications technologiques, industrielles et digitales soudaines. À travers diverses expériences ludiques mettant en scène les résidents d’une maison de retraite, ce film nous incite à réajuster notre regard sur les personnes âgées, notamment sur leurs besoins corporels. En même temps, il informe la jeune génération sur l’impact de ces nouvelles technologies.

Les interventions de Melanie Bonajo au Palais de Tokyo (Paris), au Tate Modern (Londres), au MoMA (New York) et au Stedelijk Museum (Amsterdam), témoignent de sa renommée internationale. Une première pour Strasbourg à ne pas manquer !

 

La soirée a été un succès !

Une cinquantaine de personnes ont assisté à la projection des deux films.

Ci-dessous le discours de présentation, de l’artiste réalisatrice et des deux films projetés,  prononcé par Tim Leyendekker, membre du comité de l’association et initiateur du projet :

Les deux films que nous présentons ce soir sont réalisés par l’artiste néerlandaise Melanie Bonajo. Dans son travail, elle examine les paradoxes inhérents aux idées de confort avec un sens aigu de la communauté, de l’égalité et de la politique du corps.

À travers ses vidéos, ses performances, ses photographies et ses installations, elle étudie des sujets liés à la façon dont les progrès technologiques et les plaisirs liés aux marchandises augmentent le sentiment d’aliénation, en supprimant chez l’individu celui de l’appartenance sociale.

Captivée par les concepts du divin, elle explore le vide spirituel de sa génération, examine les relations changeantes des gens avec la nature et tente de comprendre les questions existentielles en réfléchissant sur notre situation domestique, les idées sur la classification, les concepts de foyer, le genre et les attitudes envers la valeur.

Ses œuvres ont été exposées et interprêtées dans des institutions artistiques internationales telles que la Tate Modern de Londres, le EYE Film Museum d’Amsterdam, la Biennale de Moscou et PS1/MoMA de New York. Ses films ont été projetés dans de nombreux festivals tels que Festival international du film de Rotterdam (IFFR) et la Berlinale.

Notre premier film se déroule dans un bordel très singulier à Brooklyn, NYC.  Les femmes qui y travaillent exigent une certaine attention de la part de leurs clients et veulent s’assurer qu’elles profitent elles aussi de la rencontre. Il fait partie de la trilogie Night Soil Trilogy, un documentaire expérimental en trois parties montrant la déconnexion de la plupart des Occidentaux ressentent par rapport à la nature.

Dans cette trilogie, Melanie Bonajo explore comment les gens d’aujourd’hui abordent de front les sentiments de fragmentation et d’aliénation. Les personnages centraux de ses vidéos sont à la recherche de nouveaux rituels, d’un rapport différent à la nature et d’une réévaluation des idées entourant le genre, dans le but de combattre le sentiment de vide qui les ronge. Il n’est pas rare qu’il s’agisse d’un mode de vie illégal et alternatif qui existe en dehors du système établi.

Elle le dépeint avec passion et élégance, avec des éclats d’absurdité occasionnels, et elle n’hésite pas à se mettre en scène. Sous une couche d’humour et un chaos apparent se cache son attitude ambivalente face à toutes sortes de développements technologiques et capitalistes dans la société moderne. Des scènes semi-documentaires alternent avec des fragments hallucinogènes qui jaillissent de son imagination. Ils sont façonnés par une collaboration intensive avec les personnages principaux. Il s’agit principalement de femmes, car elle estime que leur voix n’est pas encore suffisamment entendue aujourd’hui.

Le second film de ce soir s’intitule Progress vs Regress. Il interroge sur la façon dont les inventions modernes ont changé les relations sociales, selon le prisme de ceux qui sont presque centenaires. Cette génération a vécu un siècle marqué par les changements industriels, technologiques et numériques les plus brutaux et systématiques de l’histoire de l’humanité.

Progress vs. Regress passe en revue les inventions les plus influentes en en quoi elles nous façonnent, ou font évoluer nos valeurs, et examine comment le mythe du progrès a affecté et continue d’affecter les attitudes envers le travail, l’argent, le temps et les émotions. Le film raconte l’histoire de la façon dont nous traitons, en tant que société, notre population âgée. La génération née aujourd’hui grandit sur un tapis roulant d’inventions au nom du progrès, tandis que les personnes âgées se situeraient en dehors du contexte économique en ne participant pas à notre culture visuelle.

En offrant un regard d’initié sur la vie des maisons de retraite et en expérimentant diverses expériences ludiques et humoristiques, ce film nous demande de redéfinir notre vision des personnes âgées, de réfléchir au type de soins dont nous avons besoin, à ce dont un vieux corps a besoin et, simultanément, d’informer les jeunes générations sur l’impact des inventions.

Je remercie Joke pour le gros travail qu’elle a fourni en traduisant les versions originales des deux films dont elle a réalisé le sous-titrage.